Le tissu économique local : l’atout pour la réindustrialisation et la création d’emplois
A l’heure de la réindustrialisation, les territoires sont à la recherche de grands projets industriels et d’investissements étrangers synonyme d’emplois qualifiés et à haute valeur ajoutée, au risque d’oublier le tissu économique local.
Il n’y a pourtant pas de corrélation établie entre l’attractivité économique d’un département et sa performance globale en matière de création d’emplois, comme le montrent différentes études récentes. De fait, la moitié de l’emploi salarié français, et par conséquent le développement économique local, est assuré par près de 160 000 PME-PMI et 4,3 millions de microentreprises qui essaiment dans les territoires. Ainsi, en Seine-et-Marne, seulement 36 emplois pour 1 000 actifs sont le résultat en 2022 d’investissements directs étrangers, d’après une étude du cabinet d’expertise économique Trendeo (2023).
Une autre étude menée en 2023 pour la Fabrique de l’industrie par Guillaume Basset et Olivier Lluansi (ancien délégués chargés du programme Territoires d’industrie), montre que le potentiel de développement économique industrie endogène, c’est-à-dire provenant des entreprises industrielles déjà présentes sur un territoire, peut permettre de créer dans les 10 prochaines années 450 000 emplois pour 15 000 projets. Des projets qui n’émergent pas toujours faute de temps, d’accompagnement par les acteurs publics, ou encore d’ingénierie opérationnelle ou financière.
Pour mener ces investissements, les entreprises doivent en effet être en capacité de prendre des risques et passer du projet à l’opérationnel. C’est à ce stade que les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans l’accompagnement et la faisabilité de ces projets. Ainsi, les collectivités locales – par l’intermédiaire des services de développement économique – doivent pleinement s’emparer de leurs missions de proximité et d’animation du tissu local : connaissance et mise en réseau, écoute des industriels et de leurs besoins, accompagnement en ingénierie, identification de foncier, d’outils de financements, etc. Lorsque les intercommunalités ont les moyens humains, financiers et techniques de mener ce travail de fond, les résultats sont probants. En témoigne par exemple le travail de Grand Soissons Agglo : les services ont accompagné près de 600 projets en 3 ans, générant près de 750 emplois (sur les 1 500 crées au total sur la même période).
C’est aussi la philosophie du programme « Territoire d’industrie » lancé en 2018 avec un objectif clair de partir des besoins des entreprises locales et du territoire. La première saison du programme a mis en exergue les difficultés pour les entreprises et les élus de trouver parfois des objectifs de développement commun. Pour la seconde saison, le programme accentue le travail et le rôle des chefs de projet pour l’animation et l’accompagnement du tissu économique local. Comme le souligne Olivier Lluansi (ancien délégué du programme et chargé par Bercy d’une mission sur la réindustrialisation en France ; à paraître prochainement), le programme est un « outil indispensable pour révéler tout le potentiel en emplois industriels de nos territoires » à condition qu’il soit suffisamment doté sur le plan budgétaire pour lui permettre aux projets de se développer, ce qui ne semble pas être le cas à ce stade.