Faut-il raser les entrepôts ? Une question posée lors du dernier Tribunal pour les Générations futures en partenariat avec FM Logistic
Usbek & Rica, magazine trimestriel qui explore le futur, a développé un format de rencontres autour des grands enjeux d’avenir, intitulé « le Tribunal pour les Générations Futures ». Ce format reprend les codes d’un procès avec des parties prenantes (juge, avocats, procureur, témoins et des jurés – tirés au sort dans le public) appelées à se prononcer au nom des prochaines générations.
Pour cette nouvelle édition, le magazine s’est associé à FM Logistic, acteur majeur de la supply chain (28 000 salariés dans le monde, 14 pays, 35% de CA en France) afin de questionner l’avenir de la filière logistique à travers une question forte : « faut-il raser les entrepôts ? ».
Ce sujet est en effet sensible quand on sait que la surface des bâtiments logistiques a doublé depuis 5 ans, avec près de 87 millions de m² implantés aujourd’hui en France (source Afilog), soulevant ainsi des questions sur l’avenir de la filière : intégration dans l’objectif ZAN, image des entrepôts (« France moche »), bouc émissaire de la dévitalisation des centres-villes…
Voici ainsi quelques questions posées par la conférence : « Ne pourrait-on pas envisager un futur durable pour nos entrepôts dans nos villes et nos territoires ? Au fond, est-il vraiment souhaitable et même possible de se passer des entrepôts ? ».
Le premier intervenant, Olivier Razemon (auteur et journaliste spécialiste dans le domaine des transports) a estimé que la « vraie question n’est pas de savoir s’il faut raser les entrepôts, mais s’il faut en construire encore ».
A ces propos, Elodie Bitsindou (doctorante en histoire de l’architecture contemporaine) a complété en soulignant le « procès esthétique intenté à l’entrepôt », avec une dichotomie facilement mise en avant entre la ville « dense, historique, ancienne » et la campagne « ressourçante, réduite à un simple plaisir visuel, sans reconnaissance de son aspect productif ». Selon la chercheuse, les entrepôts ont une dimension patrimoniale, ils sont les « gardiens de la mémoire des savoir-faire et des techniques ».
Appelé à la barre en tant que dernier témoin, Jean-Christophe Machet (président de FM Logistic) a rappelé le rôle majeur des entrepôts pour le lien entre producteurs et consommateurs, et a évoqué l’impérieux besoin d’adaptation des entrepôts, appelés à devenir autosuffisants voire producteurs d’énergie. Il a souligné à ce titre que « les fonctionnalités de l’entrepôt évoluent dans une démarche d’éco-développement, de densification, et d’un dépassement de fonction pour contribuer activement à une économie plus durable. On voit ailleurs émerger depuis quelques années des entrepôts logistiques à énergie positive, qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment ». Le président de FM Logistic a également balayé les idées reçues sur les conditions de travail dans les entrepôts (précarité, conditions difficiles) en expliquant que les métiers évoluent (comme celui de manutentionnaire) grâce notamment à l’automatisation, et que la filière logistique est une des rares filières qui développe à ce point la promotion interne. Enfin, il lui semble indispensable de repenser notre façon de consommer pour permettre à la filière de répondre aux enjeux d’optimisation des livraisons (demander des livraisons toujours plus rapides ne permet aucune mutualisation).
La délibération rendue par présidente du tribunal et les 4 jurés s’est conclue par un verdict en faveur des entrepôts : « Non, il ne faut pas raser les entrepôts », sous réserve d’une réévaluation de notre modèle économique, d’une relocalisation de l’industrie et d’une promotion accrue de la circularité dans notre consommation. Cette décision a trouvé écho dans la salle, où 78 % des présents ont également voté « non ».
En conclusion : même si notre production pourrait diminuer à l’avenir, « pour favoriser l’utilisation de produits recyclés, de biens de seconde main, et encourager la réparation, nous devrons probablement accroître nos capacités de stockage, et donc avoir recours à des entrepôts. »
Pour retrouver la totalité de la synthèse de ce « Tribunal » : Usbek & Rica – Faut-il raser les entrepôts ? (usbeketrica.com)