Intelligence Artificielle : les collectivités locales entre appréhension et intérêt

L’intelligence artificielle, largement déployée dans les entreprises, commence également à être expérimentée dans les services publics. Le potentiel de l’IA est en effet colossal avec un grand nombre de domaines d’applications possibles sur les politiques publiques, principalement sur des secteurs gourmands en données tels que la gestion de l’eau (ex. modélisation prédictive des chutes de pression dans les réseaux) et de l’énergie (ex. éclairage intelligent), mais également en ce qui concerne la relation avec les usagers.

Si le nombre de cas d’usages dans les collectivités reste relativement faible (le Conseil d’Etat en a recensé 19 dans un rapport de 2022), l’année 2023 a marqué un pas avec plus de 50 expérimentations identifiées dans les collectivités.

En Seine-et-Marne, le syndicat des eaux de la Goële, qui regroupe 26 communes de la Communauté de communes Plaines et Monts de France, a souhaité travailler sur le gaspillage de l’eau. Le syndicat a signé un partenariat avec la start-up Leakmited pour améliorer la distribution d’eau potable et parallèlement réduire les pertes. Le rendement en eau du réseau est actuellement inférieur à 90% avec une perte d’eau potable proche de 14%. Cette perte d’eau potable est le fait de joints défectueux ou de présence de racine dans les canalisations. Le Syndicat s’est donc fixé l’objectif de réduire les fuites d’ici 8 ans à hauteur de 8%. La Start-up Leakmited a ainsi constitué une base de données de 600 000 fuites rencontrées sur 1/3 du réseau français avec de nombreux critères (saison, lieu, etc.) qui permet d’entraîner l’algorithme. Celui-ci peut ensuite identifier des zones à prioriser sur d’autres réseaux.

Outre l’usage concret, deux nouvelles dimensions apparaissent dans les réflexions sur l’IA : la frugalité et la « réplicabilité » des usages, deux notions sur lesquelles insiste particulièrement l’Ecolab, laboratoire d’innovation du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD). L’Ecolab promeut ainsi un usage de l’IA au service de la transition écologique, moins gourmande en données et en puissance de calcul, notamment à travers l’appel à projets « Démonstrateur d’IA frugale au service de la transition écologique dans les territoires » dont les lauréats seront connus d’ici l’été 2024.

Pour répondre à ces enjeux de transition écologique, l’Ecolab préconise de s’interroger sur la pertinence du recours à l’IA par rapport à d’autres solutions possibles (la datavisualisation par exemple) mais aussi de réaliser un benchmark des expérimentations existantes pour assurer une opérationnalité de l’usage.

Focus : des exemples concrets de cas d’usage de l’IA dans les collectivités

Nantes – amélioration de la fréquentation des cantines scolaires par l’IA : prédiction du nombre d’enfants qui vont s’y restaurer ;données des 9 dernières années rentrées dans l’IA avec plusieurs paramètres (menus, pandémie, fêtes, etc.) ; premiers résultats : environ 200 000 € d’économie sur une année

Toulouse – développement d’une plateforme « IA Data » : analyse de données et gestion des big data ; objectifs : créer de futurs services publics pour la population ; thèmes de réflexion et d’usage : identification des îlots de chaleur, mobilité, gaspillage alimentaire des cantines

Nevers Agglomération – anticiper les fuites sur le réseau grâce à l’IA : utilisation de capteurs sur l’ensemble du réseau ; résultat : temps d’alerte et de localisation de la fuite réduit de 95%

Pour aller plus loin sur ces sujets : Le guide de la Banque des Territoires sur l’IA et les collectivités (2023)